24/10/2025 reseauinternational.net  6min #294314

Les drones marins : nouvelle réalité, nouveaux risques

par Alexandre Lemoine

Après les drones aériens, ce sont des drones marins qui entrent en scène. Les systèmes sans équipage dans l'armement des marines militaires ne se limite pas aux petits bateaux d'attaque sans équipage. Les drones de reconnaissance, d'assaut, de transport et des dragueurs de mines sans équipage seront déployés pour des missions de l'infanterie de marine.

Le domaine militaire en 2025 connaît une transformation rapide. Les drones sont déjà devenus le symbole des conflits armés modernes et explorent maintenant activement l'espace maritime. Les drones marins sont une nouvelle réalité technologique, capable de modifier l'équilibre des forces sur l'eau et d'affecter la sécurité des voies maritimes et des projets économiques dans le monde entier. Les experts en sont convaincus que ce secteur se développera à un rythme accéléré au cours des cinq prochaines années.

Aujourd'hui, presque tous les pays sont engagés dans la création et la production de drones. La Turquie, qui n'était jusqu'à récemment pas un grand constructeur aéronautique, est devenue un leader mondial dans la production de drones Bayraktar. La situation en mer en similaire. L'Ukraine, sans être une puissance maritime traditionnelle, produit déjà plusieurs types de drones marins activement utilisés en conditions réelles. L'Europe, les États-Unis, la Chine, le Japon et les deux Corées développent leurs propres projets dans ce domaine, et la Russie, disposant d'une solide école scientifique et d'un potentiel d'ingénierie, a notablement intensifié le développement de drones marins et est susceptible de figurer parmi les leaders du marché.

Le programme de développement des bateaux sans équipage (BEC) a été lancé dans les années 2010 par le Special Boat Service (SBS) britannique, spécialisé dans les opérations de sabotage en mer. Il est à noter qu'ils n'ont pas suivi la voie de la création de BEC entièrement nouveaux, mais ont adapté à leurs besoins des drones civils existants utilisés pour la recherche hydrographique.

Ces recherches ont également été menées en Ukraine, au centre des opérations spéciales maritimes de la marine ukrainienne, transformé en 2019 en base d'entraînement et terrain d'essai. Avant même le début de l'opération militaire spéciale, on y testait les possibilités d'utilisation des BEC pour des sabotages contre les navires et les infrastructures de la flotte de la mer Noire, ainsi que contre les navires civils et les installations portuaires russes. Dans le cadre de ce programme, la Grande-Bretagne a transféré à l'Ukraine un certain nombre de drones sous-marins sans équipage pour qu'ils soient modifiés en vue de missions de sabotage. La Grande-Bretagne aide également l'Ukraine dans le développement de drones marins. Il s'agit notamment d'armements tels que Snapper et Wasp.

Le retard de la Russie dans la production de BEC d'attaque s'explique assez simplement : l'Ukraine n'a pas de marine militaire contre laquelle ils pourraient être utilisés. Cependant, l'expérience acquise a été évaluée et les conclusions appropriées ont été tirées. Le complexe militaro-industriel russe assure déjà la production en série de drones marins. En juillet 2025, le Centre unifié de production de drones marins a été ouvert à Saint-Pétersbourg.

L'Europe crée déjà un système de surveillance de la mer Baltique basé sur un réseau de drones flottants, plongeants et sous-marins. L'Ukraine utilise de tels dispositifs comme force de frappe. De telles technologies permettent non seulement de mener des reconnaissances et de détruire les navires ennemis, mais aussi de déminer efficacement les plans d'eau, élargissant ainsi leur champ d'utilisation.

En janvier 2025, l'OTAN a déployé le programme Vigilance Activity Baltic Sentinel pour améliorer la connaissance de la situation et endiguer les actions hostiles, dont un aspect important est l'utilisation extensive de systèmes sans équipage.

Et en juin 2025, le commandement des forces de l'OTAN a organisé une série d'essais, incluant des mises à l'épreuve pour plus de 40 systèmes de drones marins fabriqués aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en France et en Allemagne. Ces essais ont eu lieu en mer Baltique, que l'Occident considère comme le théâtre d'opérations le plus probable.

Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, des travaux sont en cours pour la production en série de drones modulaires furtifs utilisant largement des pièces polymères fabriquées sur des imprimantes 3D. Et ce ne sont pas les géants de l'industrie de défense qui jouent un rôle croissant dans ce domaine, mais des start-ups comme Anduril Industries, un sous-traitant du Pentagone.

Les principaux pays de l'OTAN créent une véritable flotte de drones de sabotage, produits en série et peu coûteux, capables de paralyser les communications maritimes de l'adversaire, y compris les télécommunications et l'énergie.

Les conflits modernes exigent une adaptation rapide aux nouvelles conditions. Les grands navires conserveront leur importance, mais c'est la flotte sans équipage qui ouvre d'immenses perspectives dans le domaine maritime. Les drones marins remplissent déjà des missions de reconnaissance, de mouillage de mines et de lutte contre les cibles de surface et sous-marines.

Mais le champ d'application de ces engins ne se limite pas aux missions militaires. Les navires sans équipage deviennent un outil important pour la recherche scientifique, la surveillance de l'environnement marin et les travaux hydrographiques. Leurs avantages sont évidents : l'absence de menace pour l'équipage et leurs dimensions compactes permettent de mener des opérations là où l'utilisation de navires traditionnels est impossible ou inappropriée.

Cependant, le développement des drones marins n'apporte pas seulement des possibilités technologiques, mais aussi de sérieux risques. Ces dispositifs deviennent déjà un facteur influençant directement la sécurité des routes commerciales et des projets énergétiques sur le plateau continental. En fait, les drones marins sont des armes à double usage. Ils peuvent être utilisés à des fins défensives comme offensives.

Aujourd'hui, l'exportation de drones marins se développe dans de nombreux pays, y compris la Russie, ce qui crée des risques supplémentaires. Sans un contrôle international clair, ces technologies pourraient tomber entre les mains d'États malveillants, de sociétés militaires privées ou même de groupes criminels.

Si cela se produit, les conséquences pourraient être catastrophiques : les routes commerciales, les ports, les câbles de communication sous-marins et les infrastructures énergétiques seraient menacés. C'est pourquoi la question de l'élaboration de normes et d'accords internationaux régissant la production, l'exportation et l'utilisation des drones marins se pose dès aujourd'hui.

Les drones marins sont le symbole du progrès et à la fois une source de nouveaux défis. Le monde entre dans une ère où le contrôle des technologies devient non moins important que le contrôle des territoires.

L'ère des drones marins a commencé, et le monde n'en est pour l'instant qu'à son aube.

source :  Observateur Continental

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